Skip to main content

Construction de la première autoroute durable en Europe

vue construction autoroute

  • Une nouvelle autoroute promet de désengorger la circulation sur le périphérique de Rotterdam aux Pays-Bas, tout en respectant l’environnement et avec un bilan énergétique neutre. 
  • La protection de la faune et de la flore, les panneaux photovoltaïques et les méthodes de construction non invasives contribuent à l’approche durable du projet.
  • Le BIM et la modélisation 3D s’avèrent incontournables pour réaliser les objectifs écologiques du projet. 

pays-bas construction autoroute Déversement du béton sur la surface du viaduc Ankie Verbeek-Ohrlaan qui servira de connexion à l’A16 de Rotterdam. Crédit : Fred Leeflang.

Qu’il s’agisse d’une voie rapide ou d’un grand axe, les autoroutes sont synonymes de liberté et de mobilité. C’est le mythe de la route dégagée : on roule à fond, aucun stop à l’horizon, les automobilistes et les marchandises circulent sans encombre des villes à la campagne, et inversement.

Bien entendu, tout cela a un coût. Les autoroutes détruisent les écosystèmes. En plus de transporter des millions de moteurs à combustion interne chaque année, elles traversent et fragmentent les habitats naturels. Elles perturbent les flux migratoires des animaux et le ruissellement de surface change le volume et le courant des écoulements d’eau. Les routes sont parfois creusées en sous-sol afin de protéger les zones naturelles d’exception. Mais qui dit tunnel dit énergie pour l’éclairage, la maintenance, la surveillance et la ventilation.

Sans compter les impacts sur la santé. Si l’on prend uniquement l’exemple de l’Amérique du Nord, 30 % à 40 % de la population urbaine vit près d’une route très passante. Le long des autoroutes, les concentrations de polluants atmosphériques sont globalement plus élevées que dans les municipalités, ce qui augmente les cas de maladies pulmonaires et cardiovasculaires.

À Rotterdam, un groupe d’entrepreneurs, de concepteurs et d’ingénieurs néerlandais tente de parer à ces effets indésirables en construisant une nouvelle autoroute durable pensée pour bien s’intégrer au paysage local.

Les embouteillages sont un problème quotidien sur le périphérique de Rotterdam. Pour désencombrer et améliorer la qualité de vie des résidents, un raccordement de 11 km entre les autoroutes A13 et A20, au nord de la ville, permettra de désengorger la circulation qui la traverse.

L’agence publique Rijkswaterstaat, chargée des infrastructures nationales, a attribué le projet à De Groene Boog (Arche verte). Il s’agit d’un consortium d’entreprises constitué de Croonwolter&dros, Mobilis, BESIX, Dura Vermeer, John Laing et Rebel

La variété et l’envergure des entreprises qui participent reflètent le niveau d’ambition du projet qui se chiffre en milliards d’euros. Il propose une approche unique de conception, de construction et de gestion s’inscrivant dans le développement durable.

Des ambitions souterraines

chantier pays-bas Une section de la construction du long tunnel de l’autoroute. Le sol du tunnel est en béton renforcé immergé. Crédit : Topview Luchtfotografie.

Pour Arjan Visser, ingénieur en chef à MOBILIS, « l’objectif est que l’autoroute soit la plus discrète possible ». Un tunnel qui fait disparaître la route et la circulation est donc essentiel pour l’intégrer parfaitement dans l’environnement existant.

Dissimulé sous la zone de loisirs Lage Bergse Bos, le tunnel passera également sous la rivière locale Rotte. « Une partie du projet était d’améliorer la zone de loisirs pour la rendre plus accessible, ajoute Arjan Visser. Elle avait été négligée ces dernières années, mais nous lui avons désormais ajouté des pistes cyclables, des voies équestres et des chemins de randonnée. »

Afin de minimiser son empreinte carbone, le tunnel sera équipé de solutions intelligentes pour l’électricité, le chauffage, la ventilation et l’éclairage LED qui prend le relais lorsque la lumière naturelle ne suffit pas. Les voies et les parois du tunnel sont aussi revêtues d’une surface réfléchissante qui renforce l’éclairage ambiant.

Les systèmes du tunnel et les installations le long des voies comme les téléphones d’urgence fonctionneront tous sur courant continu, une approche plus durable que le courant alternatif dont dépendent la plupart des autoroutes. L’intégralité de l’électricité est produite par l’énergie solaire générée par des panneaux photovoltaïques qui s’étendent sur 20 000 m² de part et d’autre de la route. Cela fera de ce projet avec tunnel la première autoroute d’Europe au bilan carbone neutre.

Plusieurs mesures de construction écologique ont été mises en place pour aider à protéger l’environnement local. Par exemple, la zone autour du chantier est un habitat naturel pour les chauves-souris. Un filet spécial a été dressé pour apporter une couverture et une protection supplémentaire aux chauves-souris afin de compenser la perte arborée.

Par ailleurs, on a réduit la pollution sonore en utilisant un asphalte spécial qui amortit le bruit, ainsi qu’en installant des barrières sonores et des remblais près des zones résidentielles et d’autres quartiers habités. Un viaduc est en train d’être construit selon la technique du lançage du tablier. Dans cette méthode, les segments du viaduc sont préfabriqués en usine puis assemblés sur site.

construction tunnel nuit Ce projet fait intervenir la première utilisation de la technique du lançage de tablier sur une autoroute nationale aux Pays-Bas. Crédit : Sjaak Boot Photography.

Les segments sont ajoutés les uns aux autres, permettant de construire le viaduc par sections, et évite un montage intensif, bruyant et sale pendant plusieurs semaines. Tous ces éléments sont facilités grâce à la maquette numérique (BIM) et à la modélisation 3D.

Le BIM fait la lumière sur le projet

« La maquette BIM est au cœur de notre entreprise, explique Hans Pos, expert chez Croonwalter&dros. On l’utilise pour voir les éléments purement structurels, plus toutes les caméras, les stations d’appel d’urgence et l’éclairage des 54 installations du tunnel. Tout est dans la maquette 3D. Cela nous permet de vérifier que tout fonctionne. On peut simuler l’apparition de fumée ou d’un embouteillage et activer le « mode catastrophe » pour voir comment les systèmes de contrôle répondent et calculent l’impact sur la circulation. »

L’un des éléments essentiels des objectifs de développement durable du projet correspond  à l’éclairage, soit l’élément le plus énergivore des autoroutes et des tunnels. Le BIM contribue également au projet en calibrant la consommation énergétique par rapport à la lumière du jour disponible.

Hans Pos ajoute : « Nous utilisons les tests numériques pour la préparation, puis nous peaufinons l’éclairage nous-mêmes. Le mélange des deux donne un résultat plus précis et signifie que l’on peut examiner la consommation d’énergie bien en amont de la construction. Par exemple, on a mené une analyse du soleil sur toute l’année, ce qui nous a permis de prendre certaines mesures et de réduire la consommation énergétique de 30 %. »

Contrôler la circulation avec un jumeau numérique

autoroute durable pays-bas L’autoroute terminée. Crédit : Rijkswaterstaat.

De Groene Boog, qui se projette dans l’avenir, est en train de créer Twin-16, un modèle virtuel 3D de la nouvelle autoroute. À terme, il imitera son fonctionnement en temps réel grâce aux données des capteurs et des caméras embarqués qu’il reçoit. En tant que jumeau numérique, il aidera les contrôleurs de la circulation et les ingénieurs civils à surveiller l’activité et la performance en temps réel. Alors que les équipes de maintenance devaient auparavant se rendre physiquement sur une autoroute ou dans un tunnel pour examiner les problèmes potentiels, le jumeau numérique leur permettra de tester et de surveiller son fonctionnement à distance.

La différence entre le jumeau et la maquette BIM 3D repose sur les connexions de données. Le BIM est principalement utilisé lors des phases de conception et d’ingénierie. Le jumeau numérique, lui, servira à surveiller le comportement de l’autoroute lorsque de vraies voitures et de vrais camions y circuleront à grande vitesse.

La route de la durabilité

L’utilisation du BIM facilite la collaboration des parties prenantes et les aide à comprendre l’état actuel du projet très rapidement.

« Pour ceux qui ne sont pas du secteur, nos dessins sont parfois difficiles à comprendre, admet Hans Pos. Si vous planifiez l’emplacement et la disposition d’un champ de panneaux solaires, il sera difficile à une personne de la municipalité de comprendre un dessin en deux dimensions. En revanche, si vous partagez une maquette 3D du même dessin, vous êtes en mesure de montrer au client ce qu’un automobiliste verrait. Et, à ce moment-là, tout le monde comprend pourquoi un automobiliste risque d’être distrait par un panneau, par exemple. Avec le BIM, on peut donner corps à une idée pour aider les clients et les partenaires à prendre des décisions en connaissance de cause. »

À propos de l'auteur

Mark de Wolf est journaliste et rédacteur indépendant récompensé. Il est spécialiste des nouvelles technologies. Né à Toronto au Canada, Mark est actuellement basé à Zurich en Suisse, après avoir vécu à Londres. Contactez-le sur markdewolf.com.

Profile Photo of Mark de Wolf - FR