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La modélisation numérique est utilisée par les cabinets d'architecture, les ingénieurs, les constructeurs des entreprises de construction, ainsi que par les spécialistes de l'exploitation et de la maintenance et les propriétaires de bâtiments.

Une femme travaille sur la conception d'une maquette de bâtiment sur un poste de travail informatique.

Zach Mortice

29 mars 2025

min de lecture

La modélisation numérique (BIM) est une plateforme numérique, un outil de visualisation et, surtout, une méthode de travail employée dans le secteur AECO (architecture, ingénierie, construction et exploitation). Elle transforme le travail imprévisible et dynamique de conception et de construction en données, et l’organise. Elle constitue un pilier fondamental de l’innovation dans le monde de la conception et de la construction, intimement lié à quasiment toutes les autres innovations technologiques du secteur, dans une économie qui en a cruellement besoin. Selon le cabinet de conseil McKinsey, les grands projets de construction dépassent en moyenne les délais de 20 % et le budget de 80 %. La productivité du secteur de la construction a diminué depuis les années 90. C’est l’un des secteurs les moins numérisés de l’économie, juste derrière l’agriculture et la chasse.

Cette situation est le résultat de l’extrême fragmentation et segmentation du secteur AECO. Ils’organise en réseau d’entreprises régionales et locales travaillant sur des types de projets très différents dans des zones géographiques variées, chacune répondant à des conditions et réglementations locales. Chaque nouveau bâtiment est un prototype créé par des constructeurs et des concepteurs qui travaillent de façon cloisonnée. La standardisation et l’uniformité sont rares. Il est donc difficile de recueillir, de partager et d’exploiter des données qui pourraient potentiellement rationaliser la production, comme on le voit dans des secteurs plus unifiés, tels que la fabrication.

La modélisation numérique pour le secteur AECO est utilisé par les concepteurs des cabinets d’architecture, les ingénieurs, les constructeurs, les spécialistes de l’exploitation et de la maintenance, ainsi que les maîtres d’ouvrage des bâtiments eux-mêmes. Chaque phase de la conception et de l’exploitation d’un bâtiment peut bénéficier du BIM. En partageant un modèle 3D d’un bâtiment qui incorpore des données définissant ses propriétés (matériaux, dimensions, relations spatiales, performances énergétiques, et plus encore) avec toute l’équipe dans le cloud, la modélisation numérique  offre un contrôle exceptionnel sur l’ensemble du processus.

Dix avantages de la modélisation numérique

Deux ouvriers discutent de la conception d'une maquette de bâtiment sur un grand écran accroché au mur derrière eux.
La modélisation numérique apporte une source d’informations unique et fiable qui améliore la communication et la coordination du projet.

La modélisation numérique offre des avantages complets tout au long du cycle de vie de la construction, qui vont d’une collaboration rationalisée à des résultats supérieurs :

1. Amélioration de la collaboration et de la communication

Lorsque la modélisation numérique est partagée avec l’ensemble de l’équipe d’un projet, des maîtres d’ouvrage aux sous-traitants, tout le monde peut travailler à partir d’une source d’informations unique et fiable continuellement mise à jour. La nécessité de recourir à de longues demandes d’informations et à de multiples échanges d’e-mails est considérablement réduite. La maquette elle-même devient le support des réponses aux questions, au lieu d’un jeu de données enfoui anonymement sur le disque dur d’un collègue. Grâce à l’automatisation toujours plus poussée, la modélisation numérique peut générer des rapports et des indicateurs et les transmettre aux membres de l’équipe concernés.

2. Meilleure visualisation

Fondamentalement, BIM est un outil de modélisation avancé où les bâtiments sont conçus comme des objets 3D. Il permet aux architectes d’affiner leurs conceptions et de présenter leurs arguments aux maîtres d’ouvrage qui financent le projet. Les constructeurs et les ingénieurs peuvent également utiliser cette fonctionnalité de visualisation pour observer les différentes couches de la structure et de la façade afin de mieux cerner les problèmes épineux et complexes avant qu’ils soient figés dans l’acier et le béton. Pour les projets publics qui nécessitent l’adhésion de diverses collectivités, les fonctionnalités de visualisation représentent un atout majeur : elles offrent le niveau de détails nécessaire pour communiquer avec précision le programme et la fonction de n’importe quel bâtiment.

3. Gestion améliorée des ressources

L’objectif de la transformation numérique portée par l’adoption du BIM est d’améliorer l’efficacité et d’encourager un déploiement plus intelligent des ressources dans toutes les circonstances. En codifiant le processus de construction en données, le BIM constitue une aide inestimable pour évaluer les éléments architecturaux et les budgétiser. Il automatise le processus de relevé avec un degré de précision bien supérieur à celui du comptage manuel.

La tour China Zun s'élève au-dessus de la skyline de Pékin.
La détection des conflits a permis de réduire le nombre de demandes de modification pendant la construction de la tour China Zun.

4. Risques réduits

Qu’il s’agisse de la sécurité de la construction, des dépassements de coûts ou des retards, de nombreuses choses peuvent mal tourner sur un chantier de construction. Le BIM permet d’ajouter des niveaux de sécurité pour prévenir ces problèmes. Tous les membres de l’équipe travaillent au sein d’une maquette intégrée et mise à jour dynamiquement. Les conflits et les erreurs sont ainsi décelés plus facilement avant qu’ils deviennent coûteux. Par exemple, grâce à la détection des conflits, les ingénieurs de la tour China Zun à Pékin ont réduit les demandes de modification de 80 % par rapport à des projets similaires. De plus, les outils d’IA exploitables dans le BIM apprennent sur la base d’images à évaluer automatiquement les risques en matière de sécurité de construction, de retards et de dépassements de coûts.

5. Améliorations des résultats

Grâce à la modélisation numérique, les projets sont réalisés plus rapidement, à moindre coût et avec des résultats de meilleure qualité. Une enquête internationale menée par Building Smart International a révélé que 77 % des entreprises considèrent qu’un environnement de données commun est le meilleur moyen de partager de grandes quantités d’informations. Deux tiers des entreprises affirment que la modélisation numérique est l’un des moyens les plus rapides de résoudre les conflits et les problèmes de qualité, de mettre en place un environnement de projet collaboratif et d’améliorer la compréhension et la visibilité des décisions de conception.

6. Optimisation de l’exploitation et de la maintenance

Le rôle de la modélisation numérique ne s’arrête pas lors de l’inauguration du bâtiment. Il continue de fournir des informations essentielles sur le fonctionnement quotidien des bâtiments, des systèmes MEP et CVC à la consommation d’énergie, en passant par le rendement des installations solaires thermiques. Il s’agit d’un outil de mesure irremplaçable pour l’exploitation et la maintenance des bâtiments, et d’un élément clé pour réduire les coûts du cycle de vie des bâtiments, qui représentent la majeure partie des dépenses d’énergie et des efforts associés à un bâtiment. En connectant la maquette numérique aux capteurs IdO (Internet des objets), les maîtres d’ouvrage obtiennent un flux de données constant et en temps réel sur l’activité de leur bâtiment.

7. Amélioration de la durabilité

La connexion du BIM aux systèmes de durabilité passifs et actifs offre une vue d’ensemble de l’énergie et des ressources qu’un bâtiment consomme et produit. Ces informations permettent aux maîtres d’ouvrage d’étudier le fonctionnement du bâtiment au fil du temps et d’ajuster ses performances en conséquence : acheminement de l’énergie produite par les panneaux solaires ou les éoliennes, adaptation à la température extérieure ou gestion des eaux pluviales sur site. L’intégration de l’IA signifie que ces maquettes peuvent être modifiées automatiquement de façon à limiter la consommation d’énergie.

8. Réduction des corrections

Cette visibilité puissante et détaillée sur le processus de construction permet de détecter les erreurs dans la maquette avant qu’elles se convertissent en problèmes à corriger sur le terrain. La modélisation numérique aide les équipes à prévoir où les problèmes peuvent résider dans la maquette, à les démêler et à déterminer l’ordre dans lequel les tâches de la construction doivent être effectuées pour les résoudre.

9. Prototypage de la préconstruction

En 2022, la majorité des factures des cabinets d’architectes provenaient de rénovations, et non de nouvelles constructions. Que les architectes et les constructeurs s’occupent d’un terrain jamais construit ou d’un bâtiment historique existant beaucoup plus complexe, la modélisation numérique représente un outil essentiel pour évaluer les conditions du site et commencer le processus de conception numérique. Associée à la technologie de capture de la réalité et à la photogrammétrie qui intègre les images du site à une maquette de bâtiment, la modélisation numérique permet aux équipes de projet de mieux cerner les conditions du chantier : dimensions du site, contexte urbain, transports en commun, etc.

10. Gestion des données

La construction dans un environnement numérique natif facilite la gestion des documents et des données. Le besoin de basculer entre les documents imprimés et numériques est réduit. Les plans, les coupes, les dessins de construction et de détail peuvent être générés automatiquement pour les membres de l’équipe concernés, et les données sous-jacentes peuvent être triées et réorganisées avec la simplicité d’une feuille de calcul Excel. Outre un emplacement centralisé pour tous les documents, la modélisation numérique offre une suite complète d’outils de contrôle des accès et des versions, ainsi que des fonctions de recherche de documents.

Déclinaisons de la modélisation numérique

Une représentation d'une gare fictive révèle les systèmes internes.
Le BIM est passé de simples fonctions de modélisation 3D à des opérations de planification, de gestion des coûts, de durabilité et d’exploitation, qui fonctionnent avec des outils tels que Revit et sont régies par des normes internationales.

Depuis ses origines comme plateforme de modélisation 3D, BIM continue d’étendre ses fonctionnalités en ajoutant de nouvelles cordes à son arc. La modélisation BIM 4D en est un exemple. Généralement définie comme l’intégration de la planification et du séquencement, elle permet aux constructeurs de voir en temps réel comment les différents éléments en construction s’alignent avec le plan global, et de s’assurer de leur installation dans l’ordre prévu. De son côté, BIM 5D se rapporte aux coûts. Il permet d’attribuer des valeurs monétaires à des éléments individuels qui génèrent des budgets mis à jour en réponse aux changements effectués sur le chantier. Les dimensions suivantes du BIM sont moins bien définies, même si le BIM 6D a été associé à la gestion de la durabilité et à l’empreinte carbone des éléments de construction, et le BIM 7D à l’intégration des données de maintenance, de gestion et d’exploitation pour l’orchestration des calendriers de maintenance, des garanties, des inspections, etc.

Ces fonctionnalités sont réparties sur de nombreux outils logiciels, comme Autodesk Revit. Les logiciels de modélisation numérique peuvent être adaptés à des secteurs spécifiques (architecture, ingénierie, construction) et à des systèmes de construction individuels, tels que le MEP ou des systèmes structurels. D’autres modules logiciels sont axés sur la planification, le séquencement et la collaboration des projets.

La profusion des plateformes BIM a nécessité l’instauration d’un ensemble unifié de normes et de protocoles, dont l’utilisation gagne peu à peu du terrain. Développée au Royaume-Uni, la norme 1192 a été l’une des premières dans le domaine. En 2018, elle a évolué pour devenir la norme 19650, avec une nouvelle localisation pour devenir applicable à l’échelle internationale. Cette norme prescrit les meilleures pratiques d’utilisation de la modélisation numérique, la définition des rôles et des responsabilités, la structure des jalons et des échéances, les moyens de partager l’information, les normes graphiques, les documents d’appel d’offres et bien d’autres aspects.

Mise en œuvre du BIM et évaluation du retour sur investissement (ROI)

Des personnes consultent des graphiques financiers sur un ordinateur portable lors d'une réunion.
Grâce à la modélisation numérique, il devient possible de terminer les projets plus rapidement, à moindre coût.

Une mise en œuvre efficace de la modélisation numérique requiert à la fois une organisation administrative et une certaine patience relationnelle de la part des RH. Un plan de mise en œuvre, souvent appelé plan d’exécution BIM (PEB), doit être élaboré par l’ensemble de l’équipe de construction. Il doit définir les rôles et les responsabilités de tous les intervenants : membres de l’équipe, client, architectes, constructeurs, ingénieurs et sous-traitants. L’une des principales décisions de base réside dans le choix des logiciels à utiliser. Les autres points à examiner concernent les livrables et les calendriers du projet, les paramètres qui énoncent quand et comment les membres de l’équipe partageront les informations, ainsi que les étapes clés du projet et un échéancier global. (Une grande partie de ces éléments est également présente dans les normes BIM.) Parmi les éléments plus détaillés du PEB peuvent figurer le niveau de fidélité visuelle et les données intégrées dans les maquettes, les calendriers des réunions, les tolérances de construction, les conventions relatives aux noms des fichiers, les procédures de contrôle de la qualité, les procédures de contrôle des versions et d’itération BIM, ainsi que la gestion des transferts de données.

Il n’existe pas de norme établie pour évaluer le ROI du BIM. Il s’agit d’une tâche difficile, car des avantages  découlent souvent de la prévention des résultats négatifs (qui seraient plus faciles à quantifier s’ils se produisaient). De même, les retours sur investissement qui reviennent à un seul groupe au sein de l’équipe peuvent être faciles à calculer, mais les avantages de la modélisation numérique sont répartis sur l’ensemble de l’équipe de manières diverses et uniques pouvant être plus difficiles à mesurer.

Certains coûts (ou investissements) constants en termes de temps et d’argent doivent être pris en compte dans tous les scénarios pour tirer parti de ces avantages. Pour commencer, il y a les coûts de démarrage pour déployer la modélisation numérique dans une entreprise donnée. Il peut s’agir de dépenses relatives au matériel et aux logiciels informatiques, mais aussi de la formation aux outils. Ensuite, compte tenu des possibilités de personnalisation du BIM, il existe une autre phase de montée en puissance, qui inclut le coût d’adaptation de la modélisation à un projet précis. Enfin, il existe également des dépenses liées plus floues à long terme. Elles englobent les modifications des processus internes et sont difficiles à évaluer. Une maquette peut bénéficier de l’incorporation de divers types de données et quantités à des moments différents de ceux des workflows classiques.

Les utilisateurs de la modélisation numérique peuvent également s’attendre à plusieurs niveaux de retour sur investissement. Au niveau le plus élémentaire, il est en principe d’ordre financier : l’entreprise obtient le ROI à partir du projet lui-même grâce à son achèvement plus rapide, pour moins cher et avec une meilleure qualité. Il gagne l’estime de l’équipe AECO et fidélise les clients. Certains retours sur investissement sont plus difficiles à calculer et distribués à l’échelle l’entreprise. Il peut s’agir d’un renforcement des compétences du personnel, de meilleures installations techniques et, ainsi, de rétention de la main-d’œuvre. Grâce à la modélisation numérique, les entreprises peuvent proposer de nouveaux services et augmenter leur productivité globale.

La modélisation numérique en action

Une image de synthèse montre une vue aérienne d'un bâtiment avec un plafond en dôme de verre complexe.
La modélisation 3D créée dans Autodesk Revit et BIM Collaborate Pro a permis de réaliser la géométrie délicate des bâtiments du parc scientifique de Mumbai. Crédit : Hiten Sethi & Associates.

Le parc scientifique de Mumbai

Le dôme, avec sa structure enroulée en verre et en acier conçue par Hiten Sethi & Associates et actuellement en construction, est partiellement recouvert d’un linceul diaphane qui a été développé à l’aide de la modélisation paramétrique. Un modèle 3D du site du bâtiment a été généré avec Autodesk ReCap Pro, et sa géométrie complexe et subtile a été produite avec Autodesk Revit et BIM Collaborate Pro. Cette modélisation a informé les paramètres de fabrication et de sélection des matériaux. Ce projet, qui a pour ambition d’enseigner aux générations futures l’importance d’intégrer la dimension environnementale, est doté de technologies de pointe en matière de durabilité. Il a remporté le prix Autodesk Design and Make Award 2023.

La Quay Quarter Tower à Sydney

Achevé en 2022, ce projet de réutilisation adaptative a « recyclé » un gratte-ciel de 45 étages. Le cabinet d’ingénierie BG&E s’est servi de la modélisation numérique pour s’assurer que 70 % des matériaux de construction employés lors de la réutilisation adaptative provenaient de l’ancien bâtiment. Cette démarche a permis d’éviter la production de 12 000 tonnes de carbone incorporé et de gagner 13 mois de travail. Un jumeau numérique a été utilisé pour tester la viabilité des matériaux existants afin de limiter les démolitions. Avec des membres d’équipe localisés au Royaume-Uni, au Moyen-Orient et en Australie, BG&E a exploité les fonctions de collaboration dans le cloud de BIM 360 pour pouvoir suivre en permanence la progression du travail, où qu’il soit réalisé. L’équipe a utilisé Autodesk Navisworks pour la détection des conflits, et la précision de Revit a permis de garantir que l’héritage historique du bâtiment classé au patrimoine resterait intact.

La Roche Tower 2 à Bâle

Conçue par les architectes Herzog & DeMeuron, la Roche Tower 2 est le plus haut bâtiment de Suisse. Les architectes ont réussi à obtenir l’approbation de ce plan ambitieux de la part de leur client, la société de biotechnologie Roche, en permettant aux parties prenantes de visiter la maquette numérique alors que le projet était encore en construction grâce à des lunettes de réalité virtuelle. Ce jumeau numérique, créé avec Autodesk Revit et BIM 360, regorge de métadonnées, notamment de détails comme l’emplacement de chaque prise de courant. Les systèmes d’ascenseurs exécutent automatiquement des diagnostics et le jumeau numérique surveille la consommation d’énergie et d’eau potable.

Impact de la modélisation numérique sur les projets AECO

Un homme portant un casque de chantier consulte une tablette dans une usine sur laquelle sont superposés des graphiques représentant des points de connexion.
Lorsqu’elle est connectée à des capteurs IdO, la modélisation numérique peut fournir des informations en temps réel sur les performances du bâtiment.

Cette technologie est applicable à toutes les phases du cycle de vie d’un projet. Pour la planification initiale du projet, le développement d’une maquette du chantier de construction peut être aussi important que la création d’une maquette précise du bâtiment lui-même, en particulier lorsqu’il s’agit de chantiers sur des sites complexes, étroits ou intensément urbanisés. La technologie de capture de la réalité peut être déployée dans le logiciel pour suivre les dimensions et le contexte du site. Grâce à cet outil, les équipes peuvent planifier de manière collaborative les points de rassemblement et de préparation pour la livraison et l’installation des matériaux, ainsi que les axes de circulation sur le chantier. La capacité de la modélisation numérique à organiser les phases et les calendriers du projet se distingue pendant la phase de planification préalable à la construction, tout comme sa capacité à organiser les documents, à générer des rapports et à extrapoler des dessins de plans, de coupes et de détails.

La modélisation numérique a d’abord été largement introduite dans le secteur AECO par des architectes ayant exploité ses outils pour visualiser et affiner les formes avec un contrôle sans précédent. Cette conception plus efficace permet aux architectes de partager des maquettes et de modifier des détails en collaboration avec d’autres intervenants. Les applications de modélisation paramétrique, qui offrent la possibilité de générer des milliers de variations formelles avec un ensemble donné de paramètres configurables par les concepteurs, peuvent être intégrées à la modélisation numérique. Elles permettent d’ajouter instantanément des hypothèses formelles abstraites à un modèle 3D détaillé pour voir si une variation fonctionnera dans le cadre des exigences fonctionnelles précises prévues dans la maquette. La nature collaborative du BIM signifie également que la constructibilité d’un plan donné peut être vérifiée rapidement et efficacement par les membres de l’équipe structure ou de génie civil.

La phase de construction d’un projet est celle où les fonctionnalités les plus avancées de la modélisation numérique jouent un rôle de premier plan. Elle travaille avec la construction pour coordonner les phases les plus dynamiques, et parfois chaotiques, de la vie d’un projet. Dans le BIM, la maquette numérique du bâtiment en construction peut être mise à jour continuellement grâce à une technologie de capture de la réalité. Les erreurs et les conflits peuvent être décelés immédiatement, et les risques de sécurité peuvent être évalués et signalés. À titre d’exemple, les plates-formes de capture de la réalité telles que GAMMA AR permettent aux constructeurs d’éplucher les couches d’une maquette numérique même lorsqu’elle est superposée sur le site de construction physique (sur une tablette ou un smartphone). Ils sont ainsi en mesure d’inspecter les plans des éléments de structure, des conduites d’eau et de gaz, et des gaines CVC. Les métadonnées sont intégrées (mesures, matériaux, propriétés), et chaque élément peut être étiqueté avec des clips audio, du texte et des images. Ce type de documentation détaillée, combiné avec la compréhension fondamentale de la façon dont les différents éléments des bâtiments s’articulent (la fixation d’un panneau de façade sur une structure, la jonction entre un mur et le sol, l’ouverture d’une porte entre deux pièces aux fonctions différentes mais liées), signifie que la modélisation numérique peut être proactive pour la détection des erreurs. En ce qui concerne la sécurité de la construction, des plates-formes telles que Newmetrix Construction Cloud et ConstructionIQ d’Autodesk peuvent interpréter un calendrier de construction quotidien afin de classer à nouveau les principaux risques de sécurité à mesure que l’activité sur le chantier change.

Lorsqu’elle est connectée à des capteurs IdO, la modélisation numérique peut fournir une image en temps réel de ce qui se passe dans le bâtiment pendant la construction et au-delà.  Appliquée à l’exploitation, elle apporte des informations essentielles sur le fonctionnement quotidien des bâtiments, des systèmes MEP et CVC à la consommation d’énergie, en passant par le rendement des installations solaires thermiques. Lorsqu’il est utilisé avec le bon ensemble de capteurs, il se transforme en un guide irremplaçable pour la maintenance des bâtiments en temps réel et se révèle essentiel pour réduire les coûts du cycle de vie des bâtiments, qui sont considérables : 70 à 80 % des coûts globaux sur la durée de vie d’un bâtiment surviennent après sa construction. En localisant immédiatement les problèmes dans un modèle 3D riche en données, la modélisation numérique ouvre la voie à des interventions rapides de la part d’une équipe pluridisciplinaire.

Cette technologie permet aux maîtres d’ouvrage d’affiner l’exploitation standard et les régimes de maintenance, et il les aide également à aller plus loin. Ses données sont tout aussi essentielles pour les opérations de rénovation, d’ajout et de mise en service rétroactive. Quelle que soit la manière dont les maîtres d’ouvrage souhaitent améliorer leur bâtiment, qu’il soit petit ou grand, une maquette numérique vivante et dynamique du bâtiment existant représente un précieux atout. Comment les nouveaux panneaux solaires s’intégreront-ils à l’ancien système ? Quelle sera l’incidence de la nouvelle aile de l’hôpital sur les besoins en eau de l’établissement ? Les nouveaux panneaux de façade s’intégreront-ils correctement à la structure existante ? Un jumeau numérique actualisé permet de répondre rapidement et avec certitude à ces questions. À plus long terme, l’accès aux données de la modélisation numérique contribuera probablement à l’intégration de nouvelles technologies de construction numériques qui n’ont même pas encore été inventées.

Technologies BIM émergentes

Une série d'itérations de conception montre les différents éléments et paramètres d'un espace intérieur.
La conception générative crée des variations d’une forme en fonction des paramètres fournis.

Les jumeaux numériques représentent l’apogée des capacités de la modélisation numérique : une maquette dynamique reflétant en temps réel le tel que construit (les conditions d’exploitation) d’un bâtiment. De nouvelles technologies y sont aussi intégrées de manière plus fine et plus complexe pour étendre ses fonctionnalités et sa simplicité d’utilisation.

L’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique sont de vastes domaines technologiques de plus en plus présents dans la sphère de la modélisation numérique. L’IA alimente des plates-formes technologiques capables de détecter et de prévoir les risques de sécurité sur un chantier de construction, ainsi que son jumeau numérique. Elle permet également de surveiller les calendriers de construction et de signaler les retards. L’IA peut coordonner des réseaux IdO, piloter des drones et extrapoler de nouvelles couches de métadonnées à intégrer dans des maquettes numériques. Dans la plupart des cas, ces algorithmes d’IA recherchent des économies de temps et d’argent, ainsi que des moyens de réduire les émissions de carbone. Par exemple, Bimmatch est une plate-forme d’identification et d’approvisionnement de produits qui utilise l’IA pour sélectionner les matériaux et composants idéaux pour un projet donné, en les évaluant en fonction de leur coût, de leur empreinte carbone, etc. La plate-forme (qui fonctionne comme un plug-in Revit) peut générer automatiquement une nomenclature et promet de réduire de 75 % le temps passé à rechercher manuellement des matériaux et des composants.

Compte tenu de la capacité du BIM à organiser les calendriers des phases de construction, certaines plates-formes compatibles utilisent des processus paramétriques afin de générer de nombreuses méthodes et séquences de construction dans les projets. Les utilisateurs peuvent reconfigurer ces contraintes en cours de progression et modéliser les imprévus à l’avance. En plus de réduire les délais de construction, l’entreprise peut s’appuyer sur ce niveau de gestion détaillée pour créer des offres de construction plus précises.

L’IA peut également être utilisée pour générer des formes au moyen de la conception générative. À l’échelle d’un bâtiment ou d’un objet, la conception générative (intégrée à Revit) crée des variations de forme dans le respect de paramètres donnés. Souvent, elle apporte des réponses à des problèmes et atteint des objectifs en suivant un cheminement peu intuitif pour un esprit humain. Ces outils permettent de maximiser les mètres carrés louables, de limiter l’utilisation des matériaux, d’optimiser la lumière du jour ou d’ajuster les chemins de circulation en plaçant simplement des meubles.

Dès la phase de construction, une grande partie du potentiel de la modélisation numérique réside dans la technologie IdO, nécessaire pour fournir des données précises dans la maquette de jumeau numérique. Ces capteurs peuvent détecter la température et l’humidité ambiantes, l’emplacement et la circulation du personnel et des visiteurs, les niveaux de consommation d’énergie, et plus encore. Tous ces éléments sont fondamentaux pour affiner l’exploitation d’un bâtiment.

La réalité virtuelle (RV) et surtout la réalité augmentée (RA) permettent à la modélisation numérique d’atteindre des niveaux d’immersion plus profonds, essentiels à son rôle d’outil collaboratif. La réalité augmentée permet d’ajouter des couches visuelles (visibles à l’aide de lunettes, d’une tablette ou d’un smartphone) d’une maquette numérique sur un chantier existant. Les constructeurs qui le visitent peuvent ainsi voir le chemin des gaines CVC qui ne sont pas encore installées ou des supports structurels qui sont encore en cours de grutage. Certaines plates-formes, telles que Fologram et Twinbuild, utilisent la réalité augmentée pour ajouter des guides détaillés de construction filaire qui indiquent où la prochaine brique ou le prochain bardeau doit être installé. Les environnements numériques en réalité virtuelle entièrement interactifs et immersifs avec de nombreux détails visuels, souvent désignés sous le nom de « métaverse », jouent un rôle grandissant dans la conception et la construction. Ils offrent de nouveaux sommets d’exploration et de simulation dans l’espace.

Défis et considérations liés à la modélisation numérique et aux technologies émergentes

La gestion des changements culturels et des inquiétudes liées à la mise en œuvre de la modélisation numérique, ainsi que l’adoption d’une méthode de travail radicalement différente, sont essentielles au processus. Le travail collaboratif au sein de la modélisation numérique a tendance à mettre au même niveau des hiérarchies bien ancrées dans le secteur AECO, l’intervention d’un corps de métier ou d’une profession peut être perçue comme une intrusion sur le territoire d’un autre, ce qui provoque des tensions. Les experts conseillent à la direction de se concentrer très tôt dans le processus sur l’adhésion des utilisateurs et de préciser le rôle de chaque membre de l’équipe pour éviter les ambiguïtés.

En matière de formation, il est important d’identifier les meilleurs membres du personnel en mesure d’occuper un rôle de premier plan dans la gestion de l’utilisation de la modélisation numérique au sein de l’entreprise. Les cadres supérieurs n’ont pas toujours le temps et les compétences techniques nécessaires pour assumer des rôles opérationnels avec le nouveau système. Les employés de niveau inférieur peuvent faire de meilleurs gestionnaires.

Une fois que l’équipe est réunie et prête à accueillir le BIM, il est préférable de commencer sa mise en œuvre sur les projets ayant déjà débuté pour éviter les éventuels retards ou annulations sur les nouveaux projets. Dans les projets déjà lancés, les concepteurs connaissent les grandes lignes, ce qui les aide à surmonter l’incertitude liée à la prise en main d’un nouveau processus de conception et à voir l’utilité de la modélisation numérique face aux problèmes que les méthodes classiques ne permettent pas de résoudre. La transition vers cette technologie peut commencer par l’étude des points problématiques dans le processus de conception classique et des améliorations apportées par la modélisation numérique.

Lorsqu’il s’agit de basculer vers un workflow entièrement numérique, les entreprises doivent également investir dans la formation du personnel, la gestion des données et les mesures de sécurité. Même si des outils de sécurité pertinents existent déjà, ils n’ont pas encore été suffisamment adaptés aux défis et aux protocoles de sécurité spécifiques de la modélisation numérique. Les technologies de chiffrement et de blockchain offrent toutefois des perspectives intéressantes.

Des vestiges de la fragmentation du secteur AECO, que la modélisation numérique a pour ambition d’éliminer, subsistent dans l’utilisation des applications BIM. Le manque d’interopérabilité entre les outils est un défi de taille. Une étude récente du National Institute of Standards and Technology a révélé que le manque d’interopérabilité dans la gestion des installations coûte aux propriétaires de bâtiments 15,8 milliards de dollars par an, soit environ 23 cents par centimètre carré. La modélisation numérique contribue grandement à y remédier, mais rien ne garantit que tous les outils fonctionneront bien ensemble. Cela dit, les plates-formes openBIM, qui ne limitent pas les utilisateurs à une plate-forme propriétaire spécifique, sont de plus en plus disponibles.

L'avenir de la modélisation numérique

Plusieurs pays ont rendu obligatoire la modélisation numérique pour les projets publics, et les pouvoirs de visualisation de l’outil sont renforcés par l’adoption de logiciels de conception de jeux vidéo, comme le moteur Unreal Engine. L’IA offre une automatisation de plus en plus grande dans le processus de modélisation numérique, et les outils de capture de la réalité, montés sur robot, ou les photos extraites de smartphones, font entrer de plus en plus de données dans la maquette. Chaque année, la modélisation numérique est de plus en plus proche de pouvoir suivre chaque électron d’électricité et chaque coup de marteau sur un chantier de construction.

Un jour viendra où la modélisation numérique cessera d’être un outil discret ou une simple partie du processus de conception et de construction. À terme, il se développera pour englober la conception et la construction elles-mêmes, absorbant et affinant chaque étape du processus, jusqu’à en devenir synonyme. Comme la plupart des avancées technologiques de longue durée, la modélisation numérique atteindra son apogée lorsqu’il passera à l’arrière-plan, ne laissant dans son sillage qu’une industrie AECO transformée.

Cet article a été mis à jour. Il a été initialement publié en août 2018.

Zach Mortice

À propos de Zach Mortice

Journaliste spécialisé en architecture, Zach Mortice est basé à Chicago. Suivez @zachmortice sur Twitter et Instagram.

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