Les 5 défis qui vont redéfinir le secteur industriel en 2021
Bien avant les perturbations de 2020, déjà, les grands changements systémiques du secteur industriel visant la convergence du monde réel et du monde numérique étaient en marche. La pandémie, le Brexit, mais aussi les diverses initiatives gouvernementales en faveur de l’environnement ainsi que l’influence grandissante du numérique font émerger les grands défis qui vont continuer de bousculer l’industrie en 2021 et dans les années à venir.
Après une chute globale des investissements de 13 % en 2020, l’industrie connaît une reprise dynamique avec un fort rebond malgré encore quelques disparités selon les secteurs industriels. D’après une enquête de l’INSEE, les chefs d’entreprise de l’industrie manufacturière en France prévoient une hausse des investissements de 10 % en valeur. Pour autant, 2021 ne sera pas sans son lot de défis. Bien avant la pandémie, les fabricants peinaient déjà à maintenir un bon rapport coût-efficacité tout en adoptant — ou en planifiant d’adopter — les initiatives de transformation digitale de l’industrie 4.0. En 2021, le secteur industriel va continuer de faire face aux bouleversements économiques, mais aussi aux changements du comportement des consommateurs ainsi qu’à l’évolution des modèles internationaux de commerce.
La fusion entre le monde réel et le monde numérique ainsi que la collaboration entre l’homme et la machine sont désormais incontournables pour remplir les objectifs de durabilité du secteur industriel, qu’il s’agisse d’automatisation, de créer une chaîne logistique parée à toute éventualité, ou encore d’améliorer les compétences de la force de travail. De nombreux leaders d’opinion voient en cette convergence un défi existentiel que les entreprises doivent impérativement relever. S’il présente certains risques, ce défi est également, pour le secteur de l’industrie, l’occasion de se réinventer.
En France, le gouvernement a mobilisé des moyens conséquents pour soutenir les secteurs stratégiques de l’industrie dans le cadre du plan France Relance visant à redresser l’économie française. Au total sur la période 2020-2022, le plan de relance prévoit de mobiliser près de 35 milliards d’euros en faveur de l’industrie pour des dispositifs qui soutiennent les piliers de la relance que sont l’écologie où la décarbonation arrive en tête des priorités, la compétitivité avec un investissement massif dans les technologies d’avenir, et la cohésion avec la sauvegarde et la création d’emplois.
Découvrez les cinq tendances qui continueront de faire évoluer les techniques de conception et de fabrication, et les différentes manières dont le secteur pourrait y répondre.
1. Convergence de métiers et d’industries
Les bâtiments peuvent-ils être considérés comme de « grands produits » ? Il semblerait que ce soit l’avis des professionnels du BTP. En effet, le secteur de la construction emprunte beaucoup à celui de la fabrication, qu’il s’agisse d’outils, de processus, ou de méthodes de travail permettant de réduire les coûts et d’augmenter l’efficacité. Cela a donné lieu à une plus vaste collaboration entre ces deux secteurs d’activité, notamment en ce qui concerne les données et l’exécution des projets de construction. Aussi, la construction industrialisée conduit à une plus large préfabrication d’éléments que l’on assemble ensuite sur les chantiers — un clin d’œil évident aux processus de fabrication.
Pour les fabricants, la convergence de ces secteurs pourrait renforcer les chaînes logistiques. La construction apporte elle aussi beaucoup de flexibilité à l’industrie en créant des usines modulaires dont la structure peut être altérée et repensée rapidement, et faciliter ainsi la production en petite série de pièces de grande valeur.
Là où les concepteurs créent des produits dotés d’aspects structurels, les architectes construisent des structures fonctionnelles, comme des produits. C’est pourquoi les fabricants devraient chercher à recruter des personnes dont les compétences peuvent servir aux deux secteurs d’activité.
Le positionnement des données au centre du processus de développement des produits a également permis le rapprochement entre la conception et la fabrication : les données sont centralisées sur le « cloud » ce qui rend possible leur partage et une meilleure collaboration entre les différentes équipes à tous les niveaux des entreprises, des ouvriers aux dirigeants. Cette convergence basée sur les données peut accélérer le développement de produits de manière exponentielle en brisant les silos de communication entre les départements, et en libérant le potentiel d’une plus large automatisation. Cela augmente à son tour la productivité en réduisant les délais du travail manuel.
Les technologies d’automatisation comme la conception générative exploitent l’intelligence artificielle (IA), le cloud computing, et les données pour automatiser certains aspects de la conception et de la fabrication, ce qui a pour effet de brouiller davantage la frontière entre les deux disciplines. On pourrait également réduire le nombre de déchets en diminuant la quantité de matériaux utilisés et le nombre de pièces, mais aussi en simulant la plupart des tests et des processus de validation qui sont traditionnellement effectués sur le terrain.
Ces convergences pointent vers un nouveau monde du travail, où les concepteurs n’ont plus à se préoccuper des détails. Ils sont en effet de plus en plus confrontés aux questions relevant des procédés de fabrication, ce qui laisse plus de place à l’innovation. Les cadres auront également une plus grande marge de manœuvre pour se concentrer sur la croissance de leur entreprise. Les professionnels de la fabrication auront, quant à eux, acquis de nouvelles compétences en travaillant en parallèle avec les robots et les systèmes automatisés, et pourront rester en contact 24 h/24 avec toute la chaîne logistique.
De plus en plus d’éléments de construction vont être fabriqués dans des environnements contrôlés, et la robotique de construction spécialisée va faciliter l’accomplissement des tâches manuelles ardues. Résultat, les ouvriers bénéficieront de conditions de travail plus sûres et moins difficiles physiquement. Le travail à distance, aidé par les outils de réalité augmentée et virtuelle (ou un mélange des deux), sera lui aussi plus efficace pour tous les employés concernés, qu’il soit imposé ou souhaité.
2. Une demande accrue de produits personnalisés
Si la personnalisation de masse ne date pas d’hier, la demande pour les produits personnalisés ne cesse d’augmenter. Dans les catégories de produits arrivées à saturation, il est de plus en plus difficile pour les entreprises de se différencier en proposant des produits aux seules fonctionnalités différentes. En outre, les événements de 2020 ont fait prendre conscience aux consommateurs de ce qui compte le plus pour eux. Qu’il s’agisse des produits de grande consommation ou de machines industrielles, les consommateurs veulent des produits qui reflètent leurs besoins individuels.
Cette année, les fabricants devront trouver des moyens de satisfaire un marché toujours plus avide de produits personnalisés, sans compromettre leur rentabilité, et malgré les frais élevés associés à une telle démarche de personnalisation. Parallèlement, les équipes design et fabrication devront s’assurer de ne pas se laisser submerger par des plans de développement de produit intégrant toujours plus de besoins en personnalisation ; cela serait le meilleur moyen de freiner leurs processus de travail et de tuer l’innovation.
Cela étant dit, les fabricants auront l’occasion de revoir leurs offres, et notamment leurs prix à mesure que la demande évolue. Les études montrent en effet que les consommateurs sont prêts à payer 20 % de plus en moyenne pour un article fabriqué sur mesure, mais aussi à attendre plus longtemps pour le recevoir.
Désormais le designer doit apprendre à collaborer avec la machine en saisissant des données informatiques qui lui permettront d’intégrer les contraintes produits dès la phase de design. Puis l’algorithme analysera les données renseignées pour proposer une multitude de solutions optimisées. En somme, l’homme renseigne ses contraintes et ses filtres, puis la machine exécute une série de tests et propose un choix de solutions robustes parmi lesquelles le designer peut choisir.
3. L’essor des produits intelligents
L’industrie ne peut pas suivre les attentes grandissantes des consommateurs dont le comportement évolue rapidement. Seuls 28 % des 30 000 nouveaux produits introduits sur le marché chaque année parviennent à remplir leurs objectifs de profitabilité.
Après le choc de 2020, les consommateurs ont envie de vivre « mieux » et attendent de leurs achats une réelle valeur ajoutée. Mais quelle est cette valeur ajoutée ? C’est la question à laquelle les fabricants devront répondre en se rapprochant des consommateurs eux-mêmes.
En 2021, les fabricants de produits connectés se préoccuperont non seulement des mégadonnées et de l’Internet des objets, mais ils interpréteront également mieux les données qu’ils possèdent déjà afin de développer des produits encore plus intelligents, et des services et des fonctionnalités encore plus avancés. Ce qui, à terme, leur permettra de collecter davantage de données et de suivre ainsi l’évolution des préférences et du comportement des consommateurs. Au lieu de se concentrer sur les produits, les fabricants devront réfléchir aux écosystèmes entiers, en associant des applications ou des logiciels à leurs produits, ou en envisageant d’adopter un modèle d’abonnement permettant de générer des revenus et des données de manière récurrente.
De leur côté, les concepteurs produits devront donner la priorité à l’expérience client plutôt qu’à l’élaboration de nouvelles formes et fonctionnalités. Pour cela, il leur faudra recueillir un flux constant d’informations auprès des clients et des fournisseurs, mais aussi analyser ces données, et utiliser les outils adéquats qui leur permettront de réinjecter ce qu’ils auront appris dans les algorithmes pour optimiser leurs produits.
C’est le principe de la circularité. Tout l’enjeu de la capitalisation des données consiste à proposer des produits plus performants. On pourrait ainsi donner vie aux produits grâce à des capteurs embarqués dans les composants du produit, ce qui permettrait d’apprendre des comportements et d’améliorer l’expérience utilisateur.
4. Les données au service de l’automatisation
L’automatisation des tâches répétitives est déjà quelque chose de bien établi dans les pays où les coûts sont élevés, en particulier dans les secteurs verticaux comme celui de l’automobile qui produit des pièces standardisées ou en série.
Le défi de 2021 est d’exploiter l’automatisation pour les marchés soumis aux tendances comme celle de la personnalisation de masse, où il est impossible de préprogrammer les nombreux processus et schémas de travail. L’automatisation peut par exemple être utilisée pour catégoriser et gérer les préférences des clients, plutôt que de prendre en compte chaque besoin. De cette manière, les fabricants pourront personnaliser leurs produits tout en restant efficients. Il faudra, pour ce faire, approvisionner les systèmes d’automatisation avec les données déjà contenues dans les différentes machines et logiciels isolés dont les fabricants se servent actuellement.
La mise en place de nouveaux systèmes d’automatisation au-delà de la chaîne de production pourra également apporter son lot d’efficacité et devenir un véritable moteur de la démarche tout entière. Par exemple, l’adoption de la conception générative permettra d’automatiser la résolution de problèmes. Ainsi, les ingénieurs et designers pourront se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée dès la phase de conception.
L’automatisation n’est cependant pas le remède miracle à tous les maux. Les humains apportent d’autres types de données. Leur expérience et les informations qu’ils détiennent sont inestimables. Les fabricants devront donc trouver le juste équilibre entre le travail des machines et celui des humains, sans quoi ils pourraient tomber dans le piège de la surautomatisation — ce dont la Model 3 de Tesla a été victime, accusant ainsi un grand retard de production.
5. Résilience accrue de la chaîne logistique
Lorsque la pandémie de 2020 a perturbé les relations entre fournisseurs et fabricants, on a instinctivement pensé que la chaîne d’approvisionnement reviendrait d’elle-même à la normale, ce qui n’est pas tout à fait vrai : même lorsque les entreprises locales sont en mesure de fournir aux fabricants ce dont ils ont besoin, le confinement et d’autres restrictions peuvent toujours bloquer l’accès des personnes et des matériaux aux sites de production.
Ainsi, les chaînes logistiques doivent-elles être suffisamment flexibles pour pouvoir s’adapter aux imprévus. Ces derniers mois nous ont bien montré à quel point l’optimisation des coûts, année après année, a fragilisé ces chaînes. Nous avons également constaté que les fabricants comptent toujours beaucoup sur certains fournisseurs clés qu’ils ne peuvent pas remplacer facilement. Aussi, en 2021, ils devront mettre en place de nouvelles mesures pour renforcer la résilience de leur chaîne logistique. Identifier les points les plus cruciaux de cette dernière les aidera à se prémunir de l’impact des perturbations.
Enfin, en investissant dans une plus grande connectivité numérique, les entreprises pourront renforcer leur collaboration avec leurs fournisseurs. Elles pourront également prendre des mesures spécifiques pour répartir le risque des temps d’arrêt, notamment en trouvant des fournisseurs de secours capables de fournir les matériaux, les services, ou les pièces les plus essentiels. L’acquisition des compétences numériques nécessaires pour opérer un partage de données entre fournisseurs et fabricants va prendre une toute nouvelle importance, et les fabricants pourraient envisager de former gracieusement leurs principaux fournisseurs pour les aider à s’adapter à ces nouveaux outils de travail et de communication.
2021 : l’année du numérique pour le secteur de l’industrie
La numérisation est le fil conducteur de toutes ces tendances. Bien que l’automatisation des tâches répétitives n’ait rien de nouveau, on parle désormais de nouvelle ère de l’automatisation : si aujourd’hui cette dernière est considérée linéaire, demain, elle sera plus flexible et alimentée par les données. En 2021, les fabricants réaliseront que la transformation numérique ne se limite pas uniquement à la production aidée par les robots, par exemple. Elle s’étend à toutes les étapes de la fabrication : idée, conception, ingénierie, production, expérience client, management, et exploitation.
La transformation numérique est également cruciale à la transformation durable du secteur. En réduisant le nombre de pièces et de matériaux nécessaires, elle permet de réduire la quantité de déchets produits. Elle facilite par ailleurs la collaboration à distance, en plus de faire naître d’autres types d’efficacités.
Cette année, les fabricants devront créer une stratégie numérique capable de surmonter les défis de la mondialisation, de la personnalisation, de résilience, et de complexité, tout en éliminant autant que possible les conjectures sur le développement de produits.
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Cet article a été mis à jour. Il a été publié à l’origine en février 2021