State of Place a également mis au point une série de modèles de prévision qui associent l’indice et ses dix sous-indices à divers résultats, notamment la valeur des biens immobiliers, l’apparition de maladies chroniques, l’indice de chaleur et la proportion de personnes à pied, en voiture ou qui prennent les transports en commun. Le logiciel permet ensuite aux utilisateurs de formuler des recommandations spécifiques en matière d’aménagement urbain, susceptibles de les aider à atteindre leurs objectifs politiques ou les résultats souhaités, tels que l’augmentation des prix des bureaux, la réduction des taux de diabète, l’atténuation de la criminalité ou l’augmentation de la fréquentation des transports en commun.
Les utilisateurs peuvent ensuite simuler l’impact des recommandations de modification de l’environnement bâti sur l’indice global State of Place et, à leur tour, contribuer ou nuire à leurs priorités politiques ou à la valeur de la collectivité. Par exemple, comment le fait d’ajouter des bancs le long d’une rue ou de planter des arbres modifie-t-il le nombre d’accidents de la circulation ou augmente-t-il les impôts fonciers ? Cela attire-t-il plus de piétons, stimulant ainsi le chiffre d’affaires des commerçants ? Ces prévisions de valeur, ou analyses prédictives, ont aidé les secteurs publics, à but non lucratif et privés à utiliser des données probantes pour « justifier leurs investissements ou obtenir l’adhésion de la collectivité et par là même garantir le financement ou l’approbation des projets proposés », explique Mariela Alfonzo. Elles aident également les utilisateurs à hiérarchiser les propositions de rénovations qui reflètent le mieux les valeurs auxquelles les collectivités sont le plus attachées.
Par ailleurs, leurs modèles d’IA ont déjà permis de découvrir des liens plutôt étonnants entre l’aménagement urbain et des éléments de qualité de vie apparemment sans rapport. Par exemple, en travaillant avec le département des transports de la ville de Durham, en Caroline du Nord, qui cherchait à atteindre les objectifs Vision Zéro, les modèles State of Place ont montré que pour chaque augmentation d’un point de l’indice, il y avait une réduction moyenne de 12,3 % de la probabilité d’un accident de la circulation. Aussi important que soit ce chiffre, il s’agit d’un résultat sans surprise. Toutefois, en creusant un peu plus, Mariela Alfonzo a également constaté que les lieux qui obtenaient de meilleurs résultats dans le sous-indice parcs et espaces publics présentaient un risque beaucoup plus faible d’accident entre véhicules. Une augmentation d’un point dans le sous-indice se traduisait par une réduction du risque d’accident de 26,5 % en moyenne.
« C’est une relation indirecte, à laquelle les ingénieurs de la circulation n’ont pas tendance à penser, dit-elle. Ce qui se passe, c’est que lorsqu’il y a un parc ou un espace public, il y a plus de monde, plus de piétons, et les gens ont tendance à ralentir dans ces zones. » Comprendre les liens entre l’environnement bâti et la qualité de vie ne permet pas seulement d’établir des priorités pour des stratégies d’aménagement efficaces, cela peut littéralement sauver des vies.
L’indice State of Place, en tant que mesure objective de l’environnement bâti, n’inclut pas les facteurs démographiques, mais cela ne signifie pas qu’aucun lien n'existe. Les données démographiques, dont l’ethnicité, le revenu, les origines et d’autres paramètres ayant un impact sur l’équité, sont prises en compte par les modèles d’analyse prédictive de State of Place. Par exemple, dans le cadre de sa collaboration avec la ville de Philadelphie, State of Place a constaté que les endroits où l’indice était le plus faible présentaient des taux plus élevés de maladies chroniques, de criminalité, d’incidence du COVID-19, de chaleur et d’inondations. Les personnes vivant dans les zones les moins bien notées étaient plus souvent noires et avaient des revenus et des taux d’éducation inférieurs à ceux des personnes vivant dans des endroits où l’indice était plus élevé. En quantifiant les inégalités liées à l’environnement bâti, ou à l’équité spatiale, on peut plus facilement plaider en faveur de lieux plus justes et plus prospères.
À cette fin, State of Place quantifie le risque de gentrification et de déplacement lié aux investissements proposés dans l’environnement bâti. Supposons, par exemple, qu’un plan de réaménagement prévoie l’ajout d’une série de mini-parcs pour les vendeurs de rue, de nouvelles pépinières artistiques et culturelles et de nouveaux commerces, ainsi qu’une augmentation du nombre de logements à prix modérés. Le logiciel quantifie non seulement l’augmentation du score de l’indice de l’état des lieux à la suite de ces changements, mais il prédit également l’augmentation probable des loyers, des valeurs immobilières et des taxes foncières.
Les défenseurs et les décideurs politiques peuvent désormais calculer l’écart entre ce que les résidents actuels ou les propriétaires de magasins de quartier peuvent réellement payer et les loyers ou les taxes foncières prévus à l'avenir, puis élaborer des politiques et des stratégies : accords de bénéfices intercommunautaires, mise en réserve de terrains, subventions et autres, dont ils peuvent se servir pour combler les lacunes en matière d’accessibilité financière. Ces nouvelles politiques proactives, conçues pour refléter les prévisions du modèle, sont nécessaires « pour garantir que l’augmentation de la valeur se répercute réellement sur les résidents qui avaient besoin de cet effort de réaménagement au départ », explique Mariela Alfonzo.