Une réutilisation stratégique des infrastructures des JO pourrait valoir son pesant d’or pour les villes hôtes
Si l’on examine les impacts sur les villes hôtes et le contrecoup des événements, on ne peut pas dire que les Jeux olympiques aient laissé des exemples très positifs. Les Jeux modernes furent inaugurés à Athènes en 1896 et depuis, peu de villes sont parvenues à bien réutiliser leurs infrastructures. Le Stade national de Pékin, construit pour les Jeux olympiques d’été de 2008, a du mal à trouver des événements aptes à ne serait-ce qu’essayer de remplir ses 80 000 places. Les villages olympiques de Rio de Janeiro et d’Athènes ont été laissés à l’abandon et la promesse des Jeux de régénération urbaine est restée lettre morte. Les JO de Paris 2024 feront-ils exception?
Londres s’en est mieux sortie que nombre de villes hôtes, cependant, durant les mois qui ont précédé l’ouverture des JO d’été dans la ville, ses habitants ont exprimé une grande inquiétude concernant les retombées des Jeux. La pression exercée sur les transports publics, les entreprises locales et les quartiers était au premier plan, et les résidents craignaient que l’afflux de visiteurs ne vienne engorger des systèmes déjà saturés. De même, les efforts de réutilisation des installations, après les JO, comme celui de transformer le village olympique en logements abordables, ont fait long feu.
En 2018, lorsque la ville de Los Angeles a remporté la candidature des Jeux olympiques de 2028, la ville tentaculaire avait déjà commencé de mettre en œuvre un plan d’urbanisme sur vingt ans pour régénérer son réseau de transports. Le plan qui a été au départ freiné par des procès et des questions juridiques promettait une amélioration de la connectivité et de l’accès via une modernisation du réseau de transports, ainsi qu’un système plus durable afin de remplacer des infrastructures hydrauliques vieillissantes. Malgré tout, les habitants redoutent aujourd’hui que le développement ne favorise uniquement les besoins des Jeux à court terme, au détriment de ceux à long terme des résidents.
Et si LA pouvait résoudre ses problèmes actuels d’infrastructures et devenir un modèle de réussite civique post-olympique ?
Lorsqu’une ville devient hôte des JO, il est important de tout bien peser. L’une des nouvelles approches de planification proactive pourrait se dénommer « démarche d’anticipation urbaine », un modèle de conception générative pour les villes qui s’adapte en fonction des facteurs nouveaux et de l’évolution des contraintes locales dans le temps. Même si cela peut sembler confus à première vue, l’exploitation de cette flexibilité signifierait la fin des à-peu-près concernant les futurs écueils évitables.
L’évolution des techniques de conception pourrait redéfinir les rôles de chacun dans les processus de construction. Par exemple, un manager de la dynamique des ressources pourrait gérer un réseau de projets de construction sur tout le territoire du Grand Los Angeles. Faire appel à des robots décuplerait le potentiel de productivité et de prévisibilité si indispensables, de la chaîne de production jusqu’au chantier.
Pour quelqu’un occupant le poste de chargé de la gestion dynamique des ressources, la portée de l’automatisation pourrait inclure la supervision d’un réseau entier de chantiers dotés de capteurs et connectés au sein d’un écosystème de construction. En travaillant sur une plateforme centralisée plutôt qu’avec un portefeuille de produits, on pourrait accélérer la répartition sûre et efficace des matériaux, de l’équipement, et de la main-d’œuvre sur de multiples sites en fonction des variations de leurs besoins. Cela éviterait de jeter les matériaux inutilisés ou d’avoir une main-d’œuvre excédentaire. Rebattre les cartes des approches traditionnelles de construction pourrait réduire de manière spectaculaire le gaspillage des ressources sur un projet et créer une configuration de l’offre et de la demande sur la ville beaucoup plus rationnelle.
Avec d’autres missions, les managers des données pourraient servir de lien entre le secteur public et les citoyens ordinaires. Leur fonction consisterait à travailler avec la collectivité, les pouvoirs publics et le Comité international olympique (CIO) pour renseigner le futur développement et « décoder les données » à l’usage des citoyens. Ils pourraient travailler avec d’autres experts comme des ingénieurs retrofit de systèmes intelligents, qui pourraient utiliser l’analyse prédictive pour comprendre les répercussions du retrofit et définir les ressources nécessaires. La gestion de l’opinion publique est un travail énorme, mais incontournable.
Et si cette nouvelle équipe d’experts était créée et avait pour mission de mener à bien la conception et la construction du projet olympique ? Le CIO pourrait encourager une planification budgétaire réaliste, augmenter la transparence, et promouvoir des investissements durables au service de l’intérêt public. En repositionnant les Jeux olympiques comme tremplin d’aménagement des transports régionaux et des objectifs d’infrastructure pour les dirigeants locaux et comme voix d’expression des citoyens par un meilleur accès aux informations tirées des données, le bilan des jeux sur les villes hôtes pourrait se révéler tout à fait différent.
Los Angeles dispose de moins de neuf ans pour produire les infrastructures des Jeux olympiques. Comment la ville prévoit-elle de résoudre les problèmes de programmation de l’événement et de capacité tout en conciliant les besoins des résidents locaux ? Les facteurs comme les coûts du projet et la programmation, mais aussi la demande en logement, l’accès durable des résidents aux commodités (alimentation, eau, écoles, pôles de transport) et les expériences des visiteurs pourraient tous être intégrés au système.
Mais quand on fait les choses différemment, la mission se complique. C’est pourquoi un outil comme la conception générative donne aux architectes la capacité de gérer de vastes niveaux de complexité et de travailler avec les équipes de conception et de construction afin d’explorer l’ensemble des solutions. Et pour une équipe de bâtisseurs, il n’y a pas de meilleur moyen de tester le système que sur un projet aussi grand que les Jeux olympiques ! Grâce aux outils de conception générative, on pourrait intégrer les paramètres financiers et tenir compte des contraintes dans les ressources comme les pénuries d’eau et la compression des délais de construction, en ayant une approche de la programmation tournée vers la réutilisation adaptative. Les infrastructures existantes pourraient être reconverties pour les événements olympiques et les constructions temporaires pourraient facilement être démolies. Par ailleurs, les matières premières de ces constructions pourraient être dispatchées vers d’autres projets.
L’anticipation urbaine ne se fera pas sans étincelles, quelle que soit l’approche adoptée. Le CIO a reconnu qu’il ne pouvait pas traiter Los Angeles comme n’importe quelle ville hôte : la proposition de planification urbaine sur plusieurs décennies déjà mise en route n’avait pas pris en compte l’éventualité d’accueillir un événement de la taille des Jeux olympiques. Les projets de planification vont donc devoir être réévalués afin de déterminer lesquels pourraient aussi servir aux événements olympiques.
Par exemple, le système de métro de Los Angeles, l’un des plus performants du pays, n’est utilisé que par une fraction infime de la population de la ville. Mais les transports et autres infrastructures de Los Angeles pourraient connaître une ère de prospérité grâce aux bouleversements que représentent les Jeux – et ceci peut s’appliquer aussi aux futures villes hôtes.
Imaginez un peu ce scénario futuriste : un arrêt de métro flambant neuf émettant une série de bips pour signaler l’ouverture et la fermeture des portes du métro roulant sur une ancienne ligne désaffectée. Les quartiers qu’il dessert sont typiques de Los Angeles : des résidences pour familles monoparentales, des cafés et des marchés. Un groupe d’adolescents sort du métro, suivi par une mère avec ses deux jeunes enfants et une foule de banlieusards fatigués. Quelques voitures sans chauffeur passent de-ci de-là, mais seuls les transports en commun (électriques, il va sans dire), les vélos et les piétons ont le droit de s’arrêter dans cette zone dénuée d’embouteillages.
Pour Los Angeles comme pour d’autres villes hôtes des JO, ce genre de régénération urbaine est dans le domaine des possibles. Pour cela, il faut d’abord explorer en profondeur la dynamique des potentialités de la démarche d’anticipation urbaine.
Nous remercions tout particulièrement Jessy Escobedo, stagiaire à Autodesk, dont les recherches ont été essentielles à la rédaction de cet article.