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Le numérique au service d’un transport ferroviaire plus durable

  • Dans un monde déterminé à se mettre au vert, le transport des personnes et des marchandises par le train est un choix judicieux sur le plan économique et environnemental.
  • Avec des réseaux ferroviaires déconnectés par pays, et une volonté plus large de fusionner tous les modes de déplacement en une plateforme de transport unifiée, les obstacles à surmonter sont toutefois de taille.
  • Le passage au numérique peut aider les opérateurs ferroviaires à accélérer la transition vers un rail meilleur et à établir des liens plus étroits avec les partenaires industriels, comme l’exige la prochaine génération de systèmes de mobilité.

"L’avenir est déjà là, mais il est inégalement partagé”, a écrit William Gibson. Cette maxime décrit parfaitement les chemins de fer d’aujourd’hui. Le train est largement présenté comme l’avenir du transport durable : pourtant, le réseau modernisé de voies, de technologies et de terminaux qui pourra répondre aux besoins de mobilité de demain ne progresse que par à-coups.

Un réseau de lignes principales, de lignes secondaires et de liaisons industrielles sillonne le monde, reliant les régions entre elles grâce à un réseau d’acier conçu pour faciliter les déplacements et la logistique. En tant que mode de transport, le train est plus sûr, plus écologique et plus rentable que les alternatives routières et aériennes. L’énergie utilisée comme force motrice tend également à être moins exposée aux caprices des marchés des matières premières.

C’est pourquoi presque tous les gouvernements de la planète se sont engagés à faire en sorte que le rail occupe une place plus importante dans le secteur des transports. Si les progrès sont lents dans certaines régions, ils s’accélèrent dans d’autres. Il s’agit moins d’une politique d’ensemble que des besoins de zones géographiques spécifiques – et des défis posés par les réalités économiques locales.

Ce qui est vieux est nouveau

>Pour un observateur du 20ème siècle, il peut sembler étrange que les urbanistes d’aujourd’hui mettent autant l’accent sur les trains. Les machines à vapeur ont traversé l’Europe et l’Asie depuis les années 1800 et ont contribué à ouvrir la frontière nord-américaine. Arrivées bien avant les avions et les automobiles, elles sont la définition même de l’infrastructure patrimoniale.

Dans les années 1950, les futurologues pensaient que les voitures volantes, les hélicoptères personnels et les véhicules sans conducteur nous feraient entrer dans le nouvel avenir radieux de la mobilité.

Nous y arriverons peut-être, mais d’ici là, la rentabilité et la durabilité du transport de personnes et de marchandises par le train constituent un argument commercial convaincant.

Par exemple, une liaison intérieure en train produit jusqu’à neuf fois moins d’émissions de CO2 et de particules qu’un voyage en voiture ou en bus. Les vieilles locomotives Diesel sont remplacées par des alternatives électriques. À mesure que le rail passe à l’électrification complète, il bénéficie d’un avantage naturel par rapport aux transports routiers et aériens basés sur les combustibles fossiles. Comme le transport routier représente plus de 75 % du marché européen du fret, l’opportunité pour le rail est potentiellement énorme.

La rentabilité et la durabilité du transport ferroviaire est un argument de choix pour propulser le ferroviaire à l’ère de la mobilité.

Parcours d’obstacles 

Bien sûr, pour que les gens les utilisent, il faut que les trains soient à l’heure, ce qui pourrait poser problème.

À mesure que la dépendance à l’égard du rail s’accroît, il faut qu’il y ait suffisamment de trains et de correspondances – la capacité physique doit être suffisante pour accueillir davantage de voitures, de passagers et de marchandises. L’offre de services devra également s’élargir. 

Les voyageurs et les transporteurs ferroviaires ont des attentes façonnées par la transformation numérique. Les passagers veulent des gares scintillantes, une connexion WiFi fiable, une planification aisée de leur voyage et des billets électroniques sur leur smartphone. Les expéditeurs veulent des processus plus simples, davantage de flexibilité et de commodité, et pouvoir suivre leurs envois en temps réel.

L’élan est là, mais tout pourrait s’arrêter si les opérateurs ferroviaires proposent des gares, des services et des processus hérités de l’ère de la vapeur.

Les obstacles au progrès sont importants, avec par exemple la nécessité d’équilibrer la capacité entre les personnes et les produits. Dans un rapport de 2021 intitulé “Why rail can transport us to a greener future”, le Forum économique mondial note qu’aux États-Unis, “le fret ferroviaire détient une part de marché de plus de 30 % : en Europe, elle est inférieure à 20 %”.

La raison ? Le fret doit partager les infrastructures avec le trafic de passagers qui domine en Europe. Les trains de voyageurs transportent les navetteurs et les électeurs, et ont la priorité sur le fret lorsque le trafic est hiérarchisé. Ce qui affecte les délais de livraison du fret et empêche certains expéditeurs de l’utiliser.

Pays par pays, le trafic ferroviaire en Europe peut également être très fragmenté, avec des normes techniques et d’interopérabilité différentes lorsqu’un train traverse les frontières.

Même si le rail transporte plus de 50 % de sa charge à travers les frontières internationales, il est encore principalement organisé au niveau national. La promesse d’un transport transfrontalier sans rupture dans le domaine du fret ferroviaire reste en grande partie non tenue. Une déconnexion qui pose de réels problèmes.

Les normes techniques et d’interopérabilité varient d’un pays à un autre, fragmentant ainsi le trafic ferroviaire.

Vers l’adoption de MaaS

>Nombre des grands penseurs actuels du secteur des transports considèrent la mobilité en tant que service (MaaS) comme la tendance la plus susceptible de définir les transports de demain. Le MaaS envisage un système unifié, où les trains joueront leur rôle parmi une gamme de modes de mobilité entièrement interconnectés, partageant une plate-forme avec les tramways, les bus, les taxis, les voitures de location et les scooters électriques.

Cette vision se concrétise dans le système Whim d’Helsinki, qui permet aux utilisateurs de planifier et de payer tous les modes de transport publics et privés de la capitale finlandaise. Il relie les trains et les tramways de la ville aux bus, aux taxis, aux voitures et aux vélos en libre-service. Les utilisateurs téléchargent l’application, créent leur profil, puis saisissent une destination ainsi que le mode de transport préféré pour voyager. Si aucun mode ne peut couvrir le trajet de porte à porte, l’application propose la meilleure combinaison.

Lancé en 2016, on peut dire Whim est marche très bien. Le souci lorsqu’il s’agit de décliner sur ce genre de vision de l’avenir du secteur dans d’autres régions du monde, il faut non seulement compter avec l’adoption de la technologie, mais aussi les utilisateurs. 

“Nous avons façonné nos comportements en matière de mobilité au fil des générations, en faisant la même chose depuis 130 ans”, a écrit le professeur Andreas Herrmann, professeur de gestion d’entreprise et directeur de l’Institut pour la mobilité de l’Université de Saint-Gall (IMO-HSG) en Suisse. 

Dans un rapport de l’IMO-HSG intitulé “Why Only Collaboration Can Push Mobility as a Service to the Next Level” (“Pourquoi seule la collaboration peut faire propulser la mobilité en tant que service au niveau supérieur”), il affirme que la mise en œuvre du MaaS nécessitera “des efforts durables de la part de l’ensemble des acteurs (du secteur des transports) pour convaincre les consommateurs”.

Cette transition exigera également une plus grande agilité et un “élan stratégique” de la part des principaux acteurs du secteur, y compris les opérateurs ferroviaires. Il s’agit en partie d’un appel à un investissement technologique plus important. L’institut note que les logiciels et matériels obsolètes empêchent de nombreuses entreprises ferroviaires de s’intégrer aux plateformes MaaS.

En bref, pour prendre leur place dans l’avenir connecté du transport, les opérateurs ferroviaires doivent passer au numérique. Il s’agit d’une étape nécessaire pour “permettre des transitions sans heurts dans les solutions de déplacement multimodal”.  Elle peut également faciliter le processus de conception et de planification de la modernisation et de l’expansion des réseaux ferroviaires pour répondre à la demande future.

Avec le numérique, les opérateurs ferroviaires vont pouvoir prendre leur pleine place dans l’avenir connecté du transport.

Conception numérique : la technologie sur les rails

La technologie de conception numérique a été extrêmement bénéfique au projet Hensetting-Østfoldbanen de la compagnie ferroviaire nationale norvégienne Bane NOR. Cette extension ferroviaire de plusieurs millions de couronnes à Oslo a été développée grâce à un mélange de données de modélisation des informations du bâtiment (BIM) et de système d’information géographique (SIG).  Ces données ont été utilisées pour créer des cartes 3D finement détaillées du trajet de 2,2 km qu’emprunteront les nouvelles voies.

Précises à 20 centimètres près, elles comprennent des données sur 35 000 arbres – un point de discussion crucial pour les résidents vivant à proximité du chantier. Les cartes simplifient également le processus d’élaboration d’un plan de construction par étapes sur le terrain le plus densément peuplé de toute la Norvège.

Le cabinet d’ingénierie Ramboll estime que l’utilisation de la BIM et du SIG a permis d’améliorer la communication avec les clients et les partenaires, puisque chaque partie prenante a pu voir et utiliser la même source d’information. Cela a également permis de réduire le temps de conception et d’accélérer le déploiement du projet.

L’utilisation de la BIM et du SIG a permis d’améliorer la communication de Bane NOR avec ses clients et ses partenaires, puisque chaque partie prenante a pu voir et utiliser la même source d’information. Avec l’aimable autorisation de Bane NOR.

S’agit-il d’un instantané de l’avenir du rail ? Du BIM aux smartphones en passant par les réseaux 5G, les technologies nécessaires pour tisser ensemble une infrastructure de mobilité unifiée sont déjà là. Le monde est prêt pour de meilleurs trains et de meilleurs transports. C’est à l’industrie de trouver une stratégie commune pour en faire une réalité. 

À propos de l'auteur

Mark de Wolf est journaliste et rédacteur indépendant récompensé. Il est spécialiste des nouvelles technologies. Né à Toronto au Canada, Mark est actuellement basé à Zurich en Suisse, après avoir vécu à Londres. Contactez-le sur markdewolf.com.

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