Transformer ses pratiques managériales avec la transformation numérique

Chez Spie batignolles, la transformation ne s’arrête pas au numérique. Pour innover, l’essentiel est de cultiver l’humain, valoriser les métiers, et capitaliser sur la synergie en utilisant la...


La transformation numérique chez Spie batignolles

La transformation numérique chez Spie batignolles

Maxime Thomas

10 février 2021

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  • Le suivi instantané du nombre d’heures réalisées par rapport à celles portées au budget ;

  • De procéder de façon simple au contrôle des réservations sur le chantier avec la réalité augmentée ;

  • L’ajout d’objets connectés, à l’instar de ce boîtier équipant les engins de levage afin d’évaluer de manière simple et réactive leur niveau de saturation ;

  • La généralisation de l’impression 3D sur chantier grâce au processus BIM.

Figurant parmi les leaders du secteur de la construction en France, l’entreprise de BTP Spie batignolles s’est fixée pour feuille de route de transformer ses processus industriels et managériaux en s’appuyant sur les outils numériques. Un chantier organisationnel où le Building Information Modeling (BIM) assure une fonction socle.

Si rien n’est plus secret qu’un centre de cybersécurité pour satellite installé sur un camp militaire, rien n’empêche de casser les codes ! Ainsi, le centre de surveillance de la sécurité de Galileo, le système global européen de navigation par satellite, installé près de Paris, brise tous les clichés du bunker. Sa façade de verre sombre, pareille à un immense miroir, projette une perspective ouverte sur le monde. Un paradoxe pour un site classé “secret défense” et dont se jouent les compagnons de Spie batignolles, en charge de la construction de ce centre, sur la base des plans du cabinet Enia Architectes.

De nouveaux schémas de travail pour atteindre de nouveaux sommets

"On ne peut pas restreindre la transformation du BTP au seul numérique" Thomas Germain
« La transformation est avant tout économique, écologique, technologique, philosophique et organisationnelle », plaide Alexis Hermet, directeur de la qualité de réalisation et de l’innovation technique du Groupe Spie batignolles.

Casser les codes, donc. Dans une industrie telle que le BTP, qui représente quelque 11 % du PIB national, il est urgent de remettre en question certaines habitudes à l’heure où les donneurs d’ordre poussent à l’adoption d’indicateurs de performances globales, telles que des garanties de performance énergétique dès la phase de préconstruction. Dans ce vaste chantier, la transformation numérique constitue la pierre angulaire et le BIM, une matrice.

« Par “transformation”, on entend le fait de travailler sur l’organisation et la méthode de travail. Quant à “numérique”, cela évoque les outils qui supportent ces nouveaux schémas de travail. L’objectif sous-tendu par la transformation numérique est donc la création d’une organisation plus efficiente transversalement, se fondant sur une base plus large, et moins en silo », traduit Thomas Germain, directeur des systèmes d’information (CIO) chez Spie batignolles.

Réalisée par IDC (International Data Corporation), une étude récente sur la transition numérique dans la construction indique que, pour les entreprises du BTP, le passage au stade supérieur de la transformation numérique repose essentiellement sur la création d’une feuille de route, le développement de compétences numériques des équipes, et la mise en place d’une structure opérationnelle pour favoriser l’intégration du numérique à l’échelle de l’entreprise. À la clé, un gain de productivité pouvant atteindre 15 % grâce à une meilleure gestion des ressources et à l’optimisation des coûts et des délais d’exécution, mais aussi à une meilleure gestion de la sécurité et des risques, le tout pour une entreprise plus résiliente.

À l’heure où l’adaptabilité des entreprises est mise à rude épreuve, les entreprises du BTP qui auront fait preuve d’agilité en poursuivant leur transformation numérique tireront mieux leur épingle du jeu. « Jusqu’à 45 % des dépenses mondiales de construction seront consacrées à de nouveaux procédés dans le but de rendre le secteur de la construction plus résilient, plus sûr et plus durable », souligne ainsi Jim Lynch, vice-président et directeur général des solutions pour le secteur du BTP chez Autodesk.

Transversalité et savoir-faire des compagnons 

La transformation numérique chez Spie batignolles
« La transformation est avant tout économique, écologique, technologique, philosophique et organisationnelle », plaide Alexis Hermet, directeur de la qualité de réalisation et de l’innovation technique du Groupe Spie batignolles.

« Il s’agit d’adopter une approche globale, ajoute Alexis Hermet, directeur de la qualité de réalisation et de l’innovation technique du Groupe. Se focaliser sur la transformation numérique serait trop restrictif, il faut aller plus loin. Certes, le processus BIM et les outils associés placent à la même table le maître d’ouvrage, les constructeurs, et le maître d’œuvre ; cependant la transformation est avant tout économique, écologique, technologique, philosophique et organisationnelle. », plaide-t-il.

La digitalisation demeure toutefois au cœur du processus de transformation globale de Spie batignolles : « La dématérialisation constitue un levier indispensable que l’on utilise dans tous nos champs d’innovation » précise Thomas Germain. Et pour cause, la collecte et l’exploitation de données (BIM, objets connectés, gestion et maintenance assistée par ordinateur dit « GMAO » etc.), tout comme l’enjeu d’industrialisation du BTP (préfabrication, impression 3D…) reposent en priorité sur une transformation numérique efficiente.

Dans l’esprit des cadres dirigeants, il est essentiel de procéder à une remise en question permanente pour favoriser l’optimisation de l’outil de production. Une urgence alors que l’impact environnemental du BTP reste très largement perfectible : ensemble, le bâtiment et les activités de construction représentent 39 % des émissions de CO2 dans le monde.

Riche de ses compétences, Spie batignolles ne compte pas se laisser déborder par une politique d’innovation tous azimuts, mais plutôt avancer pas à pas en apprivoisant les nouveautés et en capitalisant sur les compétences propres à chacun de ses métiers qui comptent notamment les fondations, les travaux publics, la construction, le génie civil, l’immobilier, ou encore l’énergie.

« Pour maintenir un haut niveau d’exigence et progresser dans un but commun, il est important que chaque métier conserve la verticalité de ses compétences techniques. Une fois ceci acté, il convient de croiser ces expertises en les confrontant dans des instances dédiées », complète Thomas Germain, soucieux du respect des savoir-faire de ses compagnons.

4 communautés d’experts

Pour accélérer l’innovation au sein des diverses branches de l’entreprise, mais aussi faire passer les messages clés aux différentes strates décisionnaires, des « communautés d’experts » associant des référents pour chaque métier ont été instituées. À intervalles réguliers, ces derniers échangent ainsi autour du BIM, du lean construction, des outils digitaux et des nouveaux modes constructifs.

Chacune de ces quatre communautés accueille un membre du comité exécutif, un membre des comités de direction de chaque unité opérationnelle, et des professionnels métier chargés d’évangéliser les équipes sur le terrain tout en faisant remonter leurs problématiques au pôle lorsque cela est nécessaire.

« Il ne s’agit plus d’alimenter les silos par le haut, ni de les détruire comme cela pouvait être envisagé il y a encore quelques années, mais de les rendre poreux pour permettre une adoption agile de nouvelles pratiques technologiques ou managériales », résume Alexis Hermet.

Dès 2016, Spie batignolles élabore une nouvelle méthode axée sur la synergie pour améliorer sa performance globale. En ce qui concerne le BIM, la communauté s’est formellement constituée à la fin de l’année 2018, avec le souci de conserver un pied sur le terrain et l’autre dans la stratégie. « Le communauté BIM est un catalyseur qui permet de savoir ce qui se passe dans chaque filiale en termes d’innovation digitale, précise Alexis Hermet. Notre philosophie de déploiement est progressive. À ce jour, nous menons de nombreuses expérimentations avec l’ensemble de nos métiers. Il s’agira ensuite, grâce aux retours d’expérience, de voir comment nous pourrons adapter ces innovations aux chantiers de plus grande taille ou de nature différente », précise-t-il.

Heures chantier, IoT, réalité augmentée et fabrication additive 

Industrialisation hors-site du coffrage du nœud de poutre
L’utilisation de la maquette BIM liée à l’impression 3D permet à la direction technique de réaliser de manière très rapide une pièce complexe unique qui simplifiera la réalisation de l’ouvrage sur site. Crédit : Spie batignolles.

Après avoir expérimenté avec les outils collaboratifs tels que BIM 360, Spie batignolles se pose aujourd’hui la question de l’usage des données chantiers, avant, pendant, et après la phase de construction. L’enjeu est double : élargir son éventail de compétences, et positionner sa valeur ajoutée plus en amont afin d’optimiser ses budgets, mais aussi plus en aval, afin de délivrer de nouveaux services à ses clients comme, par exemple, la livraison d’un jumeau numérique de l’ouvrage qui facilitera notamment la maintenance de ce dernier.

Considérés par la major comme les conteneurs à données du chantier, le BIM et la maquette numérique se présentent sous une forme simple, ergonomique, et conviviale pour favoriser leur adoption.

Ainsi, l’interopérabilité de la plateforme collaborative ouvre le champ des possibles en permettant :

À ce titre, Spie batignolles explore la pertinence de réaliser hors-site certains coffrages, ou encore des boîtes de réservations. La dématérialisation joue un rôle important dans l’industrialisation : elle est à la fois prépondérante dans la standardisation de certaines références, et dans une approche sur mesure. « À l’heure actuelle, nous explorons ce que peuvent apporter la fabrication additive et la préfabrication sur chantier tant leurs atouts sont indéniables en termes de rentabilité, de qualité de réalisation, de délai d’exécution et de sécurité », détaillent en chœur Thomas Germain et Alexis Hermet . « Nos premiers essais nous ont permis de réduire la durée du clavetage de nœuds de poutre complexes à un jour, contre deux auparavant », ajoute Alexis Hermet.

Là encore, la performance est calculée à travers une grille d’efficience évaluée sous le prisme temporel, économique, qualitatif et environnemental. « Souvent, les partenaires en fabrication additive interviennent très en amont des projets sur des éléments architecturaux comme, par exemple, des poteaux en forme d’arbre ou des éléments préfabriqués hors site, image Alexis Hermet. Notre volonté est d’appréhender la fabrication additive sous l’angle de notre production et de notre productivité et d’en faire, si possible, un élément structurel de notre stratégie », argumente-t-il.

Nouvelle génération

Dès lors, le mantra guidant le changement au sein des différentes communautés d’experts de Spie batignolles tient sur les doigts d’une main : communiquer ; accompagner la montée en puissance ; piloter le déploiement ; explorer les nouvelles tendances ; et structurer la donnée. Autant d’éléments impossibles à réaliser sans ingénierie de projet sur la création d’un modèle numérique.

Bien que l’impératif de rentabilité, dans un secteur où les marges sont ténues, préside à la direction des chantiers, Thomas Germain soutient que « dans cette période de transformation profonde de notre modèle, le plus important n’est pas le produit que nous bâtissons mais les hommes qui le portent. » Ainsi, pour mener sa révolution, Spie batignolles s’appuie sur une nouvelle génération de cadres et d’ingénieurs précisément attirés par la perspective d’inventer de nouveaux processus collaboratifs. Une génération soucieuse de casser les codes.

Cet article est paru en décembre 2020 et a été mis à jour.

Maxime Thomas

À propos de Maxime Thomas

Rédacteur de presse nationale et spécialisée passé par la radio, Maxime Thomas est, au gré de ses reportages, amené à traiter divers aspects de la vie industrielle. Parmi ses sujets de prédilections : la transformation numérique et ses conséquences concrètes sur les métiers.

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