Le fabricant japonais DENSO réinvente le cerveau de la voiture : l’unité de contrôle du moteur
L’industrie automobile mondiale s’efforce de s’adapter à un certain nombre de changements majeurs : les réglementations supplémentaires imposées par les gouvernements, l’Accord de Paris sur le changement climatique, les progrès technologiques vertigineux (dont certains mettent l’industrie en concurrence directe avec les géants du numériques tels que Google), et la demande des consommateurs pour toujours plus de rendement ainsi qu’une réduction des émissions de carbone.
Pour ce faire, les constructeurs automobiles cherchent des moyens d’améliorer le rendement du moteur et réduire le poids du véhicule. Ils passent au crible les quelque 30 000 pièces qui composent une voiture, telles que le volant, les pédales, les sièges, le moteur, les freins et un élément clé suffisamment petit pour tenir dans le creux de la main : l’unité de contrôle électronique du moteur (ECU).
Il s’agit d’un système électronique de commande d’injection de carburant qui détermine l’alimentation en carburant du moteur. En d’autres termes, c’est le « cerveau » du moteur. En optimisant la quantité et la synchronisation du carburant à injecter, ce petit boîtier joue un rôle essentiel et permet ainsi d’améliorer la conduite et de réduire la quantité d’émissions nocives.
Et pour son nouveau modèle d’unité de contrôle électronique du moteur, DENSO Corporation, grand fabricant japonais de pièces détachées, s’est vu décerner le prix de la catégorie concept professionnel lors de l’édition 2019 de l’iF Design Award. Fondée il y a 70 ans, l’entreprise DENSO élabore aujourd’hui des technologies pour les véhicules autonomes et électriques, l’intelligence artificielle (IA), la mobilité en tant que service (MaaS) et même l’informatique quantique. Afin d’optimiser ce calculateur moteur, Akira Okamoto, chef de projet adjoint à la conception de produits chez DENSO, s’est servi de la conception générative pour la réalisation de deux objectifs essentiels : alléger la pièce et augmenter son comportement thermique.
En intégrant la conception générative dans son flux de travail pour créer des maquettes conceptuelles avancées, Akira Okamoto élabore des unités de contrôle électronique du moteur destinées à être montées sur les petits moteurs diesel utilisés dans le BTP et sur les machines agricoles. « D’emblée, j’ai intégré la légèreté dans les composants, raconte Akira Okamoto. J’ai réalisé que je pouvais utiliser la conception générative afin d’alléger encore plus le poids. »
Il faut savoir que la « température ambiante » d’un moteur peut atteindre 120 °C. Pour que l’unité de contrôle électronique du moteur fonctionne correctement, sa température doit être inférieure à celle qui résulte de la dissipation thermique à partir du point où elle entre en contact avec le bloc moteur, où les températures avoisinent les 105 °C.
« Je sais par expérience que je peux visualiser une forme qui disperse bien la chaleur, avance le chef de projet. Cependant, dans une conception légère, il y a moins de voies d’évacuation pour la chaleur, ce qui réduit l’efficacité de son transfert. J’ai pensé que je pourrais me servir de la conception générative pour créer des pièces en utilisant de nouvelles formes plus légères, tout en conservant les propriétés de dissipation thermique. »
La résolution du dilemme chaleur-transfert
Même si le logiciel ne dispose pas de paramètres associés à la chaleur, Akira Okamoto a mené ses recherches en utilisant les fonctions de conception générative de Fusion 360 d’Autodesk. « Pour calculer la chaleur, je me suis dit qu’il fallait la traiter comme une charge, de sorte qu’en ajoutant une charge aux zones qui nécessitent une dissipation thermique, on pourrait trouver la forme optimale », explique-t-il. Tout au long de ce processus, DENSO a collaboré avec des partenaires de Nichinan Group et avec les concepteurs Satoshi Yanagisawa et Yujiro Kaida.
En conception générative, l’intelligence artificielle crée un nombre considérable de variations de conception en se basant sur les paramètres fournis par le concepteur. En passant au crible les choix, soit en rejetant les conceptions inadéquates et en acceptant les autres, on atteint le modèle optimal. « En concevant ce calculateur moteur, nous avons procédé par tâtonnement, et de nombreuses conceptions inutilisables ont été générées, explique Akira Okamoto. Cependant, les variations utilisables ont pris peu à peu des formes similaires. »
Et de poursuivre : « Ce qui m’a plu dans ce processus, c’est que j’ai pu imprimer une maquette en 3D et avoir une meilleure idée de la façon dont la chaleur circule autour de cette pièce. Au premier coup d’œil, beaucoup de ces modèles n’étaient pas esthétiques, mais on a commencé à apprécier la beauté des rendus. La conception finale avait une belle forme que nous avons modifiée afin de pouvoir la fabriquer selon les méthodes conventionnelles. »
De la conception à la production
Néanmoins, il est difficile de produire des objets créés avec la conception générative sans faire appel à l’impression 3D, procédé incompatible avec la fabrication en série. « Lorsque vous avez besoin de dizaines de milliers de pièces, le coût et le temps de production deviennent astronomiques », explique Akira Okamoto. Par conséquent, pour réaliser ce projet, l’équipe a intégré les éléments obtenus à partir du processus de conception générative dans une pièce que l’on pouvait produire avec le moulage sous pression traditionnel.
Pour ce faire, elle a réalisé un capot de circuit imprimé de forme géométrique qu’elle a ensuite intégré à un châssis créé avec la conception générative. L’équipe a utilisé Alias SpeedForm et Fusion 360 d’Autodesk pour affiner la structure toute entière et lui donner une forme lisse. Elle a aussi effectué les ajustements pour la production selon les méthodes de fabrication classiques. « Nous avons combiné les éléments essentiels de chaque composant pour créer la forme du boîtier », ajoute-t-il.
La maquette du résultat, découpée dans du métal, s’appelle le Direct Mounted ECU Concept. « Nous avons réalisé une réduction globale de 12 % du poids, avance le chef de projet, mais nous avons pu maintenir la capacité de dissipation de la chaleur de l’original. Bien qu’une réduction de poids soit synonyme d’une réduction en nombre des voies d’évacuation de la chaleur, à comportement identique, on peut dire que la capacité exothermique de la pièce s’est améliorée par rapport à l’originale. »
Bien qu’Akira Okamoto ait mené des essais avec d’autres approches d’allègement de poids, telles que l’optimisation topologique, c’était la première fois qu’il se lançait dans la conception générative. Il a fallu presque trois mois pour que le projet aboutisse. « Même s’il nous a fallu un peu de temps pour nous mettre à niveau, nous avons obtenu des résultats assez vite, remarque-t-il. Nous pensons que nous réaliserons des gains encore plus importants avec de plus grandes unités de contrôle électronique du moteur, et nous savons que nous pouvons affiner d’autres pièces lors de la prochaine série de travaux de conception. »
Et de conclure : « En réduisant le poids de chaque pièce, ne serait-ce que de façon minime, nous obtiendrons à terme une automobile beaucoup plus légère. Nous pouvons par ailleurs appliquer ces résultats à d’autres pièces que l’unité de contrôle électronique du moteur. L’idéal serait d’appliquer régulièrement ces méthodes afin d’alléger l’ensemble des automobiles. Bien que ce modèle ne soit qu’une proposition à nos clients, notre prochaine étape est de mettre en place l’électronique et tester ses performances pour voir concrètement les résultats de notre travail. »